Rahman Mustafayev : un important précédent judiciaire a été créé avec l’annulation des documents adoptés en violation du droit français
L’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, Rahman Mustafayev, a accordé une interview exclusive à l’AZERTAC au sujet de la signature illégale des 13 documents, accords et chartes de coopération ou d'amitié avec des représentants séparatistes de communes des territoires occupés de la région du Haut-Karabagh de la République d’Azerbaïdjan.
Récemment, les tribunaux français ont annulé certaines chartes illégales signées par des communes, et un département français avec les territoires occupés de la région du Haut-Karabagh de la République d’Azerbaïdjan. Comment cette question s'est-elle posée ?
Depuis juin 2013, les élus de certaines collectivités territoriales françaises - principalement dans les régions où la communauté arménienne est présente - ont signé, illégalement, 13 documents, accords et chartes de coopération ou d'amitié avec des représentants séparatistes de communes des territoires occupés de la région du Haut-Karabagh de la République d’Azerbaïdjan. Huit documents ont été signés au cours de la période 2013-2017 sous le mandat du Président Hollande, et 5 sous le mandat du président actuel. Ces documents ont été signés soit lors des visites illégales de ces élus locaux dans les territoires occupés ou lors de réunions avec des représentants séparatistes sur le territoire français.
Quelle était la position de l’Azerbaïdjan sur cette question ?
Dès le début, nous avons déclaré que ces documents illégaux constituaient une violation grossière de la législation nationale française ainsi que de ses engagements internationaux et bilatéraux, en particulier du Traité sur « l'accord d'amitié, de compréhension mutuelle et de coopération entre l’Azerbaïdjan et la France », qui a été signé à Paris le 20 décembre 1993. Je voudrais rappeler que conformément à cet accord, les deux parties se sont engagées à respecter mutuellement le principe de souveraineté et l'inviolabilité des frontières dans leurs relations.
Pourquoi la partie française n'a-t-elle pas réagi à ces documents illégaux pendant si longtemps ?
La partie française, à mon avis, a bien réagi et a pris l'affaire très au sérieux. Des juristes de deux ministères clés, les Affaires étrangères et les Affaires intérieures de la France, ont élaboré en quelques mois un texte commun, une Circulaire, définissant le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales (communes, département et régions) et de son contrôle - l. Le 24 mai 2018, cette Circulaire a été signée par les deux ministres et diffusé auprès de toutes les collectivités territoriales pour sa mise en œuvre. Ce document a un caractère contraignant.
Il oblige les collectivités territoriales (communes, départements, élus) à respecter les obligations internationales de la France et leur interdit toute coopération, quelle qu’en soit la forme, que ce soit sous la forme de la conclusion d’accords, de la réalisation de visites et de la tenue d’actions communes ou d'organisation d'événements avec les autorités séparatistes d’entités territoriales non reconnues par la France. Il oblige également les préfets, c'est-à-dire les représentants du gouvernement dans les régions et les départements, à contrôler le respect de la législation française sur le terrain et à intervenir judiciairement là et quand ces lois sont violées. C’est exactement ce qui est arrivé dans ce cas. À la suite des efforts déployés par les préfets, sur 13 documents illégaux, 5 ont été annulés par les tribunaux compétents et 3 sont considérées comme 0es par les autorités compétentes des collectivités territoriales.
Selon vous, qu'est-ce qui a guidé les autorités exécutives et judiciaires de la France dans leur prise de décisions sur ces faits ?
Tout d'abord, en partant du principe que les lois du pays doivent s'appliquer sur l'ensemble de son territoire. Après tout, en fait, une situation est apparue dans laquelle des maires dissidents sont apparus dans certains départements du pays qui, depuis 2013, ont violé impunément la Constitution française et d'autres lois, ainsi que des obligations internationales et bilatérales de la France. Ce n’est pas un hasard si, dans les décisions de justice, il est clairement indiqué que les chartes illégales susmentionnées ont violé un bon nombre d’articles de la Constitution française de 1958, notamment les articles 1, 3, 5, 14, 20, 52 et 72.
En outre, la partie française a tenu compte du fait que de telles violations affectent négativement les relations bilatérales entre l’Azerbaïdjan et la France, ainsi que l'image de la France en tant que coprésident du groupe de Minsk de l'OSCE, qui devrait adopter une position impartiale et équilibrée dans la résolution du conflit arméno-azerbaïdjanais. À cet égard, je tiens à attirer l’attention sur le fait que, dans les décisions de justice d’annulation rendues sur les chartes, il est noté que « après avoir signé ces documents illégaux, les départements locaux ont pris indirectement parti dans un conflit opposant les Républiques arménienne et azerbaïdjanaise, alors qu’il est de jurisprudence constante qu’une collectivité territoriale ne doit pas, à travers l’action internationale, prendre parti ou intervenir dans un différend de nature politique».
En plus, il est noté dans ces décisions que ces documents illégaux doivent être regardés comme une convention d’intention qui porte reconnaissance du régime séparatiste dans les territoires occupés, alors que "la France, comme l'ensemble de la communauté internationale, refuse de reconnaître cette entité". Ce sont des messages très importants qui, je l’espère, seront pris en compte par les élus des collectivités territoriales en France, ainsi que par la communauté arménienne.
Vous avez noté que sur les 13 chartes illégales 8 ont été annulées ou invalidées. Quel est le sort des 5 chartes restantes ?
Je crois qu'un important précédent judiciaire a été créé, au terme duquel des documents adoptés en violation du droit français ont été annulés. Par conséquent, les chances d'annulation des soi-disant chartes de coopération restantes sont très élevées. J'espère également que ces décisions de justice vont mettre un terme à ce « défilé de soi-disant chartes d’amitié », ainsi qu'à toutes les manifestations illégales impliquant des élus de la République française qui se poursuit depuis 2013.
En même temps, je pense qu’il ne faut pas baisser la garde. La communauté arménienne de France, ses organisations et ses "partenaires" au sein des autorités des collectivités territoriales continueront sans aucun doute à éprouver la solidité du droit international et de la législation française et à mener des actions illégales avec les séparatistes des territoires occupés de l’Azerbaïdjan. Par conséquent, dans tous ces cas, nous engagerons le travail approprié avec les autorités françaises compétentes, tant dans sa capitale que dans ses régions et départements.